Chères concitoyennes, chers concitoyens,
Demain c'est le 1er août, fête nationale des petits Suisses (pas les trucs qu'on mange en dessert).
On va se réunir dans tous le pays pour faire des grillades, des brunchs à la ferme, se péter le tube en plein soleil, écouter des groupes folkloriques, verser une larme en chantant l'hymne national suisse, écouter un concert de carillon, des discours patriotiques et voir les feux d'artifice.
Et se gargariser d'habiter un si beau pays qui ne connaît pas la crise.
Enfin, moins qu'ailleurs.
Car tout ne va pas si bien dans cette charmante contrée.
On a aussi des accidents de train, des mecs qui s'en mettent plein les poches, une politique migratoire déplorable, un système de santé qui nous coûte la peau des fesses, Federer qui perd depuis plusieurs semaines, le patron de Swisscom qui s'est suicidé, des inégalités salariales entre hommes et femmes, des glaciers qui fondent et tout le reste.
Et le pire, c'est que personne ne connaît véritablement l'hymne national suisse. On chante les trois premiers mots, et ensuite on laisse le chœur officiel ou la fanfare du coin siffloter l'air à notre place.
On verse une larme à la fin et on reprend la descente du petit blanc ou de la bière.
Mais ce n'est pas grave, on est Suisses et fiers de l'être, envers et contre tout.
On se rappelle les fondateurs de notre pays, ces forts montagnards qui ont lancé des troncs d'arbre sur les mecs qui venaient nous dicter de qu'on devait faire.
On a même un gaillard très gonflé qui a osé braver l'autorité et qui a dû, à l'aide de son arbalète, tuer une pomme qui trônait sur la tête de son môme Walter. Guillaume Tell a inspiré Rossini et Hodler. Mais personne ne s'est jamais soucié de la pauvre pomme.
Non, mine de rien, on est fier d'être Suisse. On mange le meilleur chocolat du monde, on produit des couteaux suisses avec un truc génial et indispensable qui est le tire-bouchon et le Gruyère AOC est à tomber par terre.
Et puis le fromage à Eddy est super bon pour la raclette.
Sur nos monts, quand le soleil... poum poum.
Demain, pendant les feux d'artifice, j'aurai une pensée émue pour tous ceux qui ont forgé ce vaillant système suisse mais qui s'appellent Pinto, Gonzalez, Krasnic et N'Guyen. Ils n'ont toujours pas la nationalité suisse mais ce n'est pas si grave. Ils travaillent pour nous, paient des impôts et œuvrent pour notre belle identité nationale. Et s'ils veulent se faire naturaliser et obtenir le droit d'être fiers d'être Suisses, ils doivent connaître l'hymne national.
Alors que Cholet, Bochatay et Perrin ne savent que la première strophe.
Alors que Cholet, Bochatay et Perrin ne savent que la première strophe.
Décidément, je suis fière d'être née dans un si beau pays.
Santé, chères concitoyennes, chers concitoyens.
Je m'en vais boire un bon verre de Fendant.
© Dédé Juillet 2013